Un chat qui se dit : »Wow ! Party ! »

La voisine court après son chat.

J’la vois par ma fenêtre de chambre souvent courir après du poil.

Quand la fenêtre est ouverte, on entend des «Ti-mine, ti-mine, e’revient icitte, ti-mine, mautadi’ !», c’est agressant juste un peu. Elle est mamie, ma voisine, c’est une belle grand-mère mais fuck,

son chat, je l’étripperais.

Il rode en crachant, là, autour du bloc, ça fait peur. Il y manque des bouts d’oreilles pis d’queue, je sais pas, moi, j’ai lu Simetiere de Stephen King quand j’étais 14 ans d’âge pis depuis ce temps-là, les chats me foutent la chienne; surtout quand ils commencent à se décomposer.

J’étais sur Facebook, tantôt, j’ai lu une amie de loin que son statut c’était :«C’est au tour de Sésame à s’enfuir, ah les chats !», je fais comme une surdose d’histoire de chat qui s’en vont dehors, je veux dire : C’est un chat man que tu voulais, assumes, ça reste pas en d’dans, un chat, c’est sauvage, ça sent la liberté du dehors, arrête de chercher ton chat, ok ?!

Esther (c’est le nom de ma voisine vieille) est venue cogner l’autre jour pour dire que si on voyait son Bernard (c’est le nom de son chat vieux), il fallaitabsolument l’avertir, que ce serait ben fin, qu’elle angoissait ben gros pour son  matou d’amour sans défense nourri aux peanuts pis à la confiture de toasts. Je capotais, c’est con, c’est du poil qui bouge, faut pas faire un cas de ça, là-là-là. Tous cas, j’ai l’air méchante, je suis pas méchante, j’haïs les chats, c’est pas pareil.

(L’image de la madame toutt’ ridée belle dans sa vieillesse paraissante qui trippe sur son chat, ça me touche; le chat, pas pentoute)

C’était le 10 octobre, une date qui se dit comme les autres, ça sonne pas mieux, ça sonne pas pire, c’est une date, celle dont je parle. Ça commençait à sentir les derniers barbecue et le ramassage de feuilles, odeur réconfortante de début de tricot et de chocolat chaud. J’avais invité des gens à la maison pour tuer l’ennui de la relâche (Parce que je suis une universitaire, tsé, je fais de l’école).

J’invite pas, sérieusement, d’habitude, je me fais invitée, j’aime pas ça les ménages d’après-fêtes. Là, c’était différent. Ça m’a pogné, j’ai fait’ un event sur FB, j’ai honte.

La petite quizaine de base s’est vite transformé en open house ben raide vers les 11h, j’avais pas d’liste, je trouve ça beau les déniaisés étrangers qui arrivent de nulle part et qui apparaissent dans ta face en essayant de s’inventer des liens avec les hôtes alors que c’est à toi qui parle et que t’es pas mal l’hôte mais c’est drôle faire comme si non (Moi, je veux juste savouère comment tu la connais, l’hôte).

Bref, c’était une soirée sympathique un peu comme le party sympathiquement mise en scène de Breakfast at Tiffany’s, y’avait quelque chose de ça, ça faisait cinématographique.

Les réels invités bitchaient les faux et vice et versa et plus personne savait vraiment qui avait été invité pis pas, ça buvait dans de la bière de cooler , des fois à même le robinet du cooler en question.

Un moment donné, trois gars que je replace semi discutaient l’air de rien dans la cuisine tout nu pu rien pentoute pas même des bas avec le pénis de coincé entre les cuisses pour être des petites filles, c’était ‘’space’’, là, comme on dit quand ça nous tente de dire ‘space’ pis de faire un trou temporel sur la mode des mots (Je veux dire : C’est-tu encore hip dire ‘space’ ? Non.) Y’a eu surement des autres pour mettre ça sur youtube.

Steven, un invité pour de vrai de la gang d’invités pour de vrai, a fait une genre de performance avec la lampe vintage du salon; il avait traîné des pétards, ça peut ben être un gars en art.

(Se mettre le corps dans une lampe en y faisant presque l’amour en faisant exploser dans les airs des confettis comme si c’était du sperme, ça jette un frette.)

C’est ça qui c’est passé. Le reste du monde feelait pas vraiment conceptuel, mais y’avait beaucoup d’inconnus qui filmaient ça avec leur iphone, j’imagine c’est sur youtube en ce moment.

Si tu veux mon avis, je pense pas que t’as raté grand chose, surtout quand P-O, le pas réellement invité, s’est mis à parler d’aller à l’église pour raquetter des p’tits protestants, ça faisait bizarre dans le ventre même en riant. C’est définitivement sur youtube.

Ma maman, elle disait : Grand risée grands pleurs, ça fitte, je pensais jamais répéter ça, le truc nul à chier, à 2h du matin, est arrivé : Esther, avec son chat écrasé dans ses bras mous de madame belle avec des rides, criant mon nom dans l’appartement saoûl pour me trouver, criant aussi :«Je veux savoir ce qui est arrivé à Bernaaaaard…» Si y’a quelque chose à lequel je m’attendais pas, c’est bien à ça.

Je suis pas méchante, je l’ai dit plus haut, ça serait jamais arrivé si je restais pas sur un 6ième étage; je hais les chats mais, je les étriperais pas pour de vrai, c’était des blagues.

De ce que j’ai compris, bernard s’est faufilé dans mon chez moi avec les autres    ( l’osti de chat haïssab’ il fait jamais ça, rentrer chez nous ), il aurait donc passé du bon temps à feeler le party jusqu’à ce qu’un quelqu’un « possesseur d’un iphone nouvelle génération » voit le chat et se dise :«Ah nice ! Fuck la perf’, m’a t’en faire une, moi avec !» Ce quelqu’un aurait donc aggripé Bernard tout en filmant adroitement l’ascension du chat jusqu’à l’amener sur le balcon jusqu’à l’amener dans les airs jusqu’à le pitcher en bas du 6 étages.

Esther pleurait avec son chat mort dans les bras. Moi, je pleurais parce que les p’tites vieilles qui braillent, ça me touche solide surtout quand je bois trop.

Les invités et pas invités se sont figés, ils comprenaient pas l’émotion.

Je me suis sentie méchante même si je le suis pas (faudrait en r’venir !). Esther smackait Bernard dans son poil, des becs funèbres, si on veut, y’avait du monde qui filmait, ça se trouve surement sur youtube, à l’heure qu’il est.

Tu ferais mieux de garder tes caps lock pour toi

Il y a le garçon vraiment trop vieux pour toi qui veut fort que tu lui fasse à souper dans sa cuisine à lui;

Il y a celui que t’as jamais rencontré en personne, mais trop souvent sur le web;

Celui qui ne se peut plus de te déclarer son amour par l’entremise de messages textes beaucoup trop explicites, à toutes heures du jour et de la nuit;

Celui que tu croises coin St-Laurent/Mont-Royal, et qui te dit que tu es belle;

T’as envie de leur dire de se calmer, que c’est foutrement plate l’amour déjà acquis, que ça fait peur un peu, aussi.

L’affaire c’est que ton coeur est déjà pris (tu dirais même «pour-toute-la-vie»), il y a un autre gars, un surhomme, qui fait le mort plus souvent qu’autrement, qui veut pas quand t’es là, qui veut quand t’es pas là… Qui a vraiment hâte que tu te trouves un vrai de vrai amoureux qui t’aime pis que t’aimes toi avec, parce qu’il serait temps de passer à autre chose, là.

C’est le garçon chez qui tu ne vas pas cogner à l’improviste, même si tu passes sur sa rue quatre fois en une soirée, même si tu penses à lui en passant sur sa rue quatre fois en une soirée. Trop peur qu’il soit occupé, occupé à écouter le hockey, occupé à essayer de t’oublier.

Tu veux pas avoir l’air rushante tsé. T’as décidé de lui donner du temps, deux jours, une semaine, six mois, le temps qu’il faut pour tout étioler.

***

 Tu vois les autres filles, sur toutes ses publications Facebook, sur son compte Instagram. On dirait qu’elles croient que les relations sont basées sur le nombre d’interactions sur les réseaux sociaux.   Déclarations d’amour en caps lock tout le kit ben oui. Chaque fois elles commentent, pour rappeler qu’elles existent. Tu te dis qu’elles pourraient l’appeler dans sa vraie vie, si elles ont tant de choses à lui raconter. Elles doivent préférer l’idée de voir leur nom pis leur face de profil attachés à tous ses statuts pseudo-comique de garçon au dessus de ses affaires – mais qui utilise encore l’expression FTW, tsé. Ça pogne en masse, les yeux de bord de mer pis les faces de chats, que tu te dis.

Quand tu penses à lui tu pleures comme on évite habituellement de pleurer, c’est pas entièrement de sa faute, c’est beaucoup l’exaltation. Phénomène qui se produit généralement la nuit, la nuit quand il n’est pas là et que ça fait plusieurs semaines que c’est comme ça. Vous faites même plus l’effort d’entretenir votre correspondance virtuelle. Vous vous êtes laissés sur une joke qui a mal tournée, qui sous-entend une fois de plus qu’il faudrait mettre des choses au clair. Mais si on se fie à l’historique de votre non-relation, ça va se terminer par une suite de *follow/unfollow* *unfriend/block/unblock/block* *oups misclick!!!* … faque laissons donc tout flotter. En attendant.

***

C’est le garçon qui te laisse en plan, qui t’écrit quand c’est trop tard. Qui invente des excuses pour ne pas avoir l’air de préférer travailler au lieu de te voir. Le garçon qui a eu peur et s’est enfui trop souvent.

Ce gars-là, c’est ton surhomme à toi, tu sais que tu ne seras jamais taggué dans sa vie (ou sur sa timeline Facebook je sais pu…), 

(she) was never here, 

mais c’est le seul que tu veux, c’est lui que tu choisis… parce que t’es nouille un peu, parce que c’est compliqué.